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Même si tout paraît sombre...

Ginette, âgée de 64 ans est comptable depuis plusieurs années dans une grande entreprise. Elle élève seule son petit-fils orphelin.

Ce matin, Ginette se retrouve bloquée dans les embouteillages. Elle est habituée mais là, au volant de sa vieille Peugeot, elle n'a pas avancé d'un centimètre en 30 minutes... "Hé, Mamie, calme-toi, ça ne sert à rien de râler, tu n'ira pas plus vite ! C'est juste la circulation !" dit Jean, son petit-fils de 14 ans, en tripotant son téléphone portable.

Mais aujourd'hui, son nouveau patron prend ses fonctions. Elle ne le connait pas encore. Elle ne doit surtout pas arriver en retard. Pas ce matin ! La circulation ne coopère pas avec son besoin de ponctualité. Elle ne peut dépasser la troisième et son cœur bât la chamade. La panique l'envahit, ses mains moites glissent sur le volant, ses yeux sont rivés sur la pendule du tableau de bord.


Au bout de quarante-cinq minutes, l'autoroute se dégage. Elle accélère et se gare en vitesse devant le collège de Jean, en poussant un soupir de soulagement. Finalement, il est à l'heure... mais son professeur principal lui fait signe. Lorsqu'elle le rejoint, il lui, sans ménagement : "Bonjour Madame Dupont ! Avez-vous cinq minutes à m'accorder ? J'aimerais discuter avec vous au sujet de Jean." Ginette regarde sa montre et décline la proposition. Le professeur insiste, elle capitule. "Jean s'est battu avec Claude et l'a roué de coups. Il a refusé de s'excuser, argumentant la justesse de son acte". Ginette connait le sens aigu de la justice de Jean. S'il a agit ainsi, il y a surement une bonne raison. Elle rassure le professeur, en parlera ce soir avec Jean.


Elle remonte dans sa voiture et roule à vive allure pour rejoindre son entreprise. Elle a 35 minutes de retard. Lorsqu'elle arrive dans l'open-space, généralement bruyant, un grand silence y règne... Elle rejoint sa cabine en soupirant de soulagement lorsqu'elle entend une voix forte et intimidante derrière elle. Elle sursaute. "Madame Dupont, je suppose ? Pouvez-vous me suivre dans mon bureau ?" Ginette sent son estomac ses retourner. L'homme d'une quarantaine d'années est grand, son œil est sévère et sa bouche fermée. Il la dévisage avec dédain. Dès le premier regard, elle se sent mal à l'aise et le suit. Un mauvais pressentiment s'empare d'elle... même si elle met tout en œuvre pour rester calme (du moins en apparence).

"Je suis Joseph Lacombe, votre nouveau directeur." La sévérité de son visage indique clairement une mauvaise nouvelle pour elle. Il poursuit, en la regardant droit dans les yeux : "Madame Dupont, il m'a été rapporté des retards récurrents vous concernant. Pouvez-vous m'en expliquer la raison ? Sachant que ce matin, vous semblez avoir battu votre propre records !" Ginette s'efforce de rester zen et met en avant la circulation intense entre son domicile et le bureau ainsi que l'accident du jour ayant perturbé le trafic. Elle parle du professeur de son petit-fils, dont elle est la seule tutrice, et du souci qu'elle a dû régler ce matin. Elle sourit, espérant la clémence de son supérieur hiérarchique.


Cependant, à son grand regret, ce dernier l'observe et secoue la tête en disant : "Je suis moi-même un père célibataire, Madame Dupond, mais je prends mes dispositions pour arriver très tôt au bureau et assumer ma journée. Je comprends que ce n'est pas toujours facile mais il faut mettre ses priorités au clair et savoir faire des sacrifices pour honorer ses engagements, si l'on veut réussi. Madame Dupond, je suis désolée, mais je constate que vous ne prenez pas votre travail au sérieux, en tout cas vous n'en faites pas une priorité."


Ginette n'en croit pas ses oreilles ! Elle a beaucoup donné pour cette entreprise depuis plus de vingt ans. Il est vrai que depuis le décès de sa fille et de son gendre, elle a priorisé son petit-fils traumatisé. Il a eu besoin de son soutien et elle reste présente autant que possible, privilégiant son équilibre d'adolescent orphelin. Elle explique sa situation et sa vision des choses à son patron mais il ne compatit nullement et ne semble pas convaincu de ses promesses d'arriver à l'heure. Il ajoute, sans aucune émotion : " Madame Dupond, je comprends qu'il est difficile d'être une grand-mère travailleuse, mais ce n'est pas une excuse pour arriver en retard au bureau... Vous n'auriez pas dû rejoindre cette entreprise si vous n'étiez pas prête à arriver à l'heure. Vous auriez dû rester à la maison et vous occuper de votre petit-fils ! Je crains que ces circonstances nous obligent à vous laisser partir." Elle a travaillé dur pendant des années pour satisfaire les besoins de l'entreprise et maintenant, elle se voit congédiée pour des retards indépendants de sa volonté. Le plus douloureux est qu'elle n'est pas la seule à être en retard. Certains collègues sont loin d'être parfaits. Cependant, le nouveau patron la renvoie pour montrer à tous les employés de quoi il est capable... Ginette a la nausée, sa blessure d'injustice se réactive. Elle passe le reste de la journée à parcourir les offres d'emploi sur Internet avant de repartir au collège récupérer Jean. "Au moins, aujourd'hui, je peux aller chercher mon petit-fils à l'heure... Merci à Monsieur Lacombe de m'avoir mise à la porte !” La perte de son emploi, seul soutien familial, représente un plongeon désagréable. Comment retrouver un emploi de comptable à 64 ans ? Ginette, malgré sa colère et sa frustration, pense mériter cette issue fatale. Après tout, elle n'a pas été capable de respecter ses horaires, même si son travail est de qualité. Son petit-fils Jean se bagarre régulièrement, pour prendre la défense des plus faibles.


Ce jour-là, il lui explique s'être battu avec un camarade pour défendre la nouvelle fille de la classe :

  • "Elle s'est mise à pleurer quand il lui a coupé une mèche de cheveux après avoir versé de l'eau sur sa chaise. Toute la classe s'est moquée de la fille lorsqu'elle s'est levée, avec sa jupe mouillée. Je devais lui donner une leçon à ce bouffon ! Je lui ai donné un coup de poing sur le visage et il a saigné du nez !

  • Chéri, je te comprends mais la violence n'est pas la meilleure solution. Tu aurais pu aller voir ton professeur principal ou le directeur du collège au lieu de chercher à faire justice toi-même.

  • Je suis désolé, Mamie! Je voulais simplement montrer à Cyril sa mesquinerie et sa méchanceté. Je promets de ne plus recommencer, pardon. C'était plus fort que moi." Ginette fait semblant de sourire, mais son cœur se serre. Elle s'inquiète. Comment va-t-elle donner à son petit-fils un avenir prometteur sans revenus ? Un mois plus tard, Ginette signe un contrat de caissière au supermarché voisin. Ce poste est beaucoup plus exigeant et elle est épuisée. La charge de travail est importante et les horaires compliqués. Une vague de nostalgie l'envahit en repensant à son ancien poste de comptable, elle conscientise ce qu'elle a perdu.

Un jour, son téléphone sonne. Le numéro ne figure pas dans son répertoire mais elle décroche. La voix à l'autre bout du fil lui glace le sang : "Madame Dupond, ici l'inspecteur Durant. Je vous attends au commissariat immédiatement ? Il s'agit de votre petit-fils Jean” Le cœur de Ginette palpite à grande vitesse. Elle explique le motif de l'appel à son responsable avant de filer au commissariat. À son arrivée, elle voit Jean et une jeune fille, assis sur le banc, l'air terrifiés.

  • "Jean, que se passe-t-il ?

  • Mamie, c'est Monique... l'amie dont je t'ai parlé."

L'inspecteur informe Ginette qu'une plainte a été déposée contre jean et Monique pour intrusion dans une usine désaffectée.

  • "Jean, peux-tu m'expliquer pourquoi vous étiez dans cette usine ?" dit Ginette d'un ton réprobateur, exigeant une explication logique.

  • "Ce n'est pas sa faute, c'est moi qui l'ai appelé au secours", interrompt Monique.

  • "Vous avez appelé mon petit-fils dans une usine abandonnée ? Pourquoi ?"

Monique éclate soudain en sanglots. L'adolescente gâtée a pris l'habitude de traîner avec des garçons peu recommandables. Cet après-midi-là, elle les avait accompagnés à l'usine abandonnée toute proche, relevant le défit d'entrer pour explorer seule l'endroit désert. Elle a voulu leur montrer son courage mais les choses ont mal tourné. Les garçons l'ont enfermée dans la vieille usine sinistre avant de s'enfuir. Elle s'est souvenue de Jean, qui avait pris sa défense, et a sollicité son aide.


  • "Mais pourquoi n'as-tu pas appelé tes parents ?" demande Monique, alors que les larmes de Monique redoublent d'intensité.

  • "Mon père est toujours très occupé, il travaille beaucoup et ne pourrait pas se libérer. Je savais qu'il appellerait les flics. Alors, j'en pensé à Jean.

  • D'accord, mais tu aurais pu appeler ta mère !

  • Je n'ai pas de mère... elle est morte à ma naissance",

Un grand silence s'installe dans la pièce. Ginette arrive à convaincre le gardien de l'usine de retirer sa plainte et le dossier est classé sans suite. En quittant le commissariat avec les enfants, un nouveau choc la saisit. Monsieur Lacombe se dirige vers eux et Monique se jette dans ses bras. "Je suis désolée, papa. Cela ne se reproduira plus".


À sa grande surprise, le père de Monique, elle constate que le père de Monique est son ancien patron. Il a licenciée après l'avoir sermonnée sur l'éducation des enfants... L'occasion est trop belle, pour Ginette, de le remettre à sa place. Le fixant du regard, elle lui jette à la figure : "Je préfère faire certains sacrifices et arriver deux ou trois fois en retard au travail plutôt que de sacrifier ma propre fille", se moque Ginette en s'éloignant. Ginette et Jean disparaissent dans la rue, Monsieur Lacombe se fige sur place, essayant de comprendre la situation.


  • "C'est lui qui t'a viré, Mamie ?" lui demande Jean.

  • Oui, c'est lui

  • Si j'avais su, je n'aurais jamais aidé Monique. Il est méchant avec toi et j'ai sauvé sa fille

  • Non, ce que tu as fait était juste. Tu dois aider les autres si ça te semble juste. Je suis vraiment fière de ce que tu as fait ! Et garde toujours ceci à l'esprit : suis ton cœur et sois juste même quand les autres sont injustes envers toi, car le bien vient aux bonnes personnes !"

Le lendemain matin, Ginette est de repos. Elle traine devant son café lorsque la sonnette retentit. Monsieur Lacombe, l'air embarrassé, se tient devant elle et lui tend un bouquet de roses blanches à la main. Elle ne s'attendait pas à cette visite.

  • "Puis-je entrer, Madame Dupont. Je vous dois des excuses. Votre maison est assez éloignée de mon bureau... et la circulation est infernale ! Il m'a fallu plus d'une heure pour arriver jusqu'ici. J'ai compris mon erreur. J'ai fait passer mon travail avant ma famille et aujourd'hui, j'en paie les pots cassés. Ma fille aurait pu mal tourner, je ne m'étais pas aperçu de ses mauvaises fréquentations. Grâce à votre petit-fils, j'ai compris et je tiens à vous remercier pour l'avoir protégée. Notre relation est compliquée, elle me reproche mon absence. Il va me falloir du temps pour regagner sa confiance et m'organiser autrement pour être présent pour elle. Vous, vous avez privilégié Jean, qui a son tour a protégé Monique. Je vous en suis très reconnaissant.

  • Pour vous montrer ma bonne foi, j'aimerais vous proposer de revenir, mais à d'autres conditions : des horaires adaptables à ceux du collège et une augmentation de 20%, pour vous remercier de m'avoir ouvert les yeux. J'espère que cela vous laissera suffisamment de temps pour concilier votre travail et votre petit-fils

  • Merci Monsieur. Nos adolescents pourront aussi continuer de se fréquenter en toute sécurité, je les aurai à l'œil


Ginette n'en croit pas ses oreilles. Elle accepte l'offre généreuse et repart à son bureau l'esprit léger.

Que pouvons-nous apprendre de cette histoire ?

  • Ne jugez jamais une personne en vous sentant supérieur à elle. Vous ne savez pas comment le destin peut se retourner et vous mettre à sa place. Monsieur Lacombe a renvoyé Ginette à cause de ses retards. Il s'est ensuite vanté de réussir à concilier son rôle de père avec son travail. Cependant, le destin l'a frappé de plein fouet lorsqu'il a dû se rendre au poste de police pour ramener sa fille.

  • Vous n'avez pas besoin de muscles pour montrer que vous êtes fort. Tout ce dont vous avez besoin, est un cœur courageux et une volonté d'aider. Malgré son jeune âge, Jean a toujours défendu les autres.

Partagez cette histoire avec vos amis. Elle pourrait les inspirer et illuminer leur journée.


Article rédité par Kalina Raoelina

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